Hippolyte MORESTIN, le chirurgien martiniquais mentor de Suzanne NOEL
Hippolyte MORESTIN
(Basse – Pointe, 1er septembre 1869 – Paris, 11 février 1919)
Pionnier de la chirurgie maxillo-faciale et de la chirurgie esthétique, natif de Basse-Pointe.
Il convient de lui rendre hommage appuyé car il est connu comme « celui qui réparait les gueules cassées » c’est-à-dire les soldats blessés.
Hippolyte MORESTIN, nait le 1er septembre 1869, à Basse-Pointe dans un milieu aisé, son père est médecin et mourra lors de l’éruption de la Montagne Pelée du 8 mai 1902.
Le jeune Hippolyte fait sa scolarité au Séminaire Collège de Saint-Pierre avant d’être renvoyé à cause de ses mauvais résultats et de sa conduite.
Ses parents l’envoient à Paris où, à la surprise générale, il obtient brillamment le baccalauréat.
De constitution trop fragile pour réaliser son rêve d’intégrer la Marine, le jeune Hippolyte MORESTIN choisit la médecine et, en 1890, devient Interne des Hôpitaux de Paris à seulement vingt et un ans !
C’est le début d’une brillante carrière :
– Prosecteur à vingt-trois ans, (En Ecole de Médecine, le prosectorat est une charge universitaire occupée par l’assistant de l’anatomiste afin, notamment, de préparer les dissections), il soutient, en 1894, une thèse intitulée « Les opérations qui se pratiquent par la voie sacrée » ;
– Chef de clinique du Professeur Le DENTU, Hippolyte MORESTIN devient chirurgien des hôpitaux en 1898 ;
– Chercheur infatigable dans la lutte contre le cancer de la face et de la langue, il met au point, en 1899, une technique d’opération du cancer du plancher de la cavité buccale dite « de Morestin », en même temps qu’il conçoit, pour aspirer le sang et la salive, une puissante pompe électrique.
Au cours de la première décennie du XXème siècle, Hippolyte MORESTIN poursuit sa fulgurante carrière.
Il est agrégé de chirurgie en 1904, puis professeur d’anatomie à la Faculté de Paris, membre des Sociétés d’Anatomie, de Dermatologie, et également Chef de service des Hôpitaux !
En 1914, il intervient au Congrès international de chirurgie à New York.
Sa notoriété est si grande qu’Al CAPONE exige de n’être soigné que par lui, tout comme Sarah BERNHARDT, la célèbre comédienne.
En 1915, il effectue la première greffe cartilagineuse selon une méthode qui porte toujours son nom.
Ses confrères étrangers, de passage à Paris, assistent à ses opérations car il est une référence pour nombre de chirurgiens qui deviendront des sommités dans leur discipline.
De petite taille, légèrement vouté, le visage amaigri, les yeux de feu, la physionomie jeune, portant moustache et barbe, infatigable travailleur, d’un grand dévouement pour ses patients, Hippolyte MORESTIN a gardé cette personnalité au relationnel difficile qui lui a valu des déboires dans sa jeunesse et entretient des relations peu cordiales avec certains confrères.
Lorsqu’éclate la Première Guerre Mondiale, Hippolyte MORESTIN, âgé de 45 ans est un médecin réputé, Chef du service ORL à l’Hôpital Saint-Louis de Paris.
Si les guerres du XXème siècle provoquent morts et dégâts de toute nature, ce sont aussi des périodes de progrès, notamment en matière scientifique.
La Grande Guerre n’échappe pas à cette règle en contribuant à la naissance de la chirurgie réparatrice et reconstructrice.
En effet, au cours de ce conflit mondial, la tête étant très exposée dans la guerre des tranchées, les blessures de la face sont nombreuses et d’une extrême gravité : 11 à 14% des blessés le sont au visage.
Leurs blessures se composent de fractures complexes des mâchoires, de perte de tissus, de peau ou de muscles.
Les autorités confient à Hippolyte MORESTIN l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce réaménagé, agrandi et consacré à la chirurgie maxillo-faciale.
Le 14 décembre 1914, il y organise le centre de chirurgie réparatrice. Le Service des blessés de la face, créé officiellement le 5 janvier 1915, disposera de centaines de lits pour soigner, ceuxqu’on appellera les « Gueules cassées ».
Doué d’une énorme capacité de travail, Hippolyte MORESTIN est en même temps chirurgien chef à l’American Face and Jaw Hospital créé en 1916 pour désengorger l’Hôpital du Val-de-Grâce.
Le 13 mars 1917, le Dr MORESTIN présente devant une Académie de médecine admirative, ce qu’il appelle les «autoplasties par jeu de patience».
En quoi réside l’innovation ?
Sans recourir à des tissus empruntés à d’autres régions du corps, Hippolyte MORESTIN remplace la partie détruite du visage uniquement à l’aide de tissus récupérés dans les plaies.
Excellent anatomiste, d’une prodigieuse habileté manuelle, Hippolyte MORESTIN « recoud, rejoint, oriente, harmonise comme personne encore, nulle part, n’avait atteint à cette perfection ».
Le professeur MORESTIN est un pédagogue qui avec simplicité, mais brio, explique les méthodes qu’il emploie.
Au cours de cet exposé il présente à ses pairs soixante de ses opérés, chacun d’eux portant un petit album photographique montrant d’abord l’état du visage à leur arrivée dans le service puis toutes les étapes d’une progressive amélioration.
Il est alors au sommet de son art et fait l’objet d’un article dans le journal Le Figaro qui ne tarit pas d’éloges à son sujet.
Pendant près de quatre années, Hippolyte MORESTIN soigne des soldats horriblement défigurés, poursuivant sans relâche l’amélioration des techniques de chirurgie faciale pour redonner un visage et une dignité à ces hommes que la guerre avait mutilés.
Durant la guerre, outre les interventions chirurgicales, il ne publie pas moins de 45 articles dans les Bulletins et mémoires de la Société de chirurgie de Paris sans oublier quelques contributions à des ouvrages médicaux.
Chacun de ses textes étudie de manière approfondie toutes les étapes techniques et anatomiques de la chirurgie de reconstruction faciale.
A la demande du Président de la République Georges CLEMENCEAU, une délégation de cinq mutilés de guerre, soignés par Hippolyte MORESTIN, assiste à la signature du traité de paix de Versailles le 28 juin 1919.
L’homme auquel des milliers de soldats « doivent mieux que la vie, le retour à la forme humaine, le pouvoir d’inspirer l’amour ou d’attirer le baiser d’un enfant » a-t-il trop préjugé de ses forces ?
Celui dont la vie ardente fut placée sous le signe de la précocité, meurt à quarante-neuf ans, le 11 février 1919.
Il est emporté par la grippe espagnole au moment où la Faculté allait lui confier la chaire de chirurgie et alors que l’Académie de médecine s’apprêtait à l’accueillir.
Pour l’accompagner à sa dernière demeure un long et impressionnant défilé de blessés à la face, d’infirmières et de médecins traverse tout Paris à pied, du Val-de-Grâce au Père Lachaise.
Le Figaro du 13 février 1919 rend hommage « au maître quasi génial de la chirurgie esthétique qu’on venait voir opérer de tous les pays du monde».
Si la dextérité manuelle d’Hippolyte MORESTIN semble inégalable, ses méthodes lui survivront et les blessés dont il avait commencé la cure sans pouvoir l’achever, retrouveront, sous la main des élèves qu’il sut former, la guérison en beauté et l’humanité qu’il leur avait promise !
Parmi ses élèves une certaine Suzanne Noël …. qui des décennies plus tard sera la fondatrice du premier Club Soroptimist en France !
Martine FLANDRINA
Soroptimist International, Club Fort-de-France Alizés Sud,
Past- Présidente 2012-2014
Chevalier dans l’Ordre National du Mérite